POÈMES D’AMOUR (traduction de Francis Catalano, cfr. : www.paoloruffilli.it )

DOUCEMENT

Respire doucement,

laisse-toi entrer

un peu à la fois

dans moi

dissoute et raréfiée,

dépose ton essence

recueillie dans ma main.

Te voici enlevée :

je t’emmènerai loin

où la vie

me pousse à aller,

prêt toutefois

à te revenir, à tout le moins

par l’odeur,

après t’avoir sortie

de mon vase.

LA PORTE

Tu te seras

aperçue que

plus je pousse

pour entrer

plus tu

t’ouvres

et, en t’ouvrant

comme si tu étais

ma porte,

de glisser en moi

au même endroit

où je suis

en toi.

Et de t’avoir en moi

c’est me retrouver

entier

au centre

sans que cela me pèse,

dans la coïncidence

des antithèses.

FAIM

Peut-être

est-ce un héritage

cannibale,

de se manger

des yeux

avec les mains

avec la bouche et

tout le reste.

Mais plus je te mange

plus tu me donnes

faim :

tu me rassasies

sans pour autant

épuiser mon appétit.

Je te veux et

je ne me fatigue pas

de te vouloir,

et j’en ai

jamais assez

de t’avoir.

FRÉNÉSIE

L’amour

m’empêche

de dormir

il m’enlève l’appétit

je suis saisi

d’une vaine frénésie

et, fou,

je me promène

en proie au désir

et à l’égarement :

je ne puis

rester tranquille

le sang me brûle

dans le flux des veines

je trouve la paix

que dans l’agonie.

FATIGUE

Je me réveille

plus fatigué

qu’avant de m’être

endormi.

C’est l’effet de la pensée

qui reste là empêtrée

dans l’objet

de sa passion

et ne s’éteint point,

traînée

derrière la vision

de l’éblouissement.

Je marche sur les traces

de ton fantôme

et, dans l’absence,

je vis amplifié :

ta voix,

l’odeur... tout

devient imaginé

et c’est une chasse

qui, tout à coup

inconscient dans le rêve,

davantage m’épuise.

RÊVE

Cette nuit

je t’ai rêvée :

tu me demandais

de te ligoter

mains et pieds

au lit

et tu voulais faire l’amour

comme si je t’y avais,

moi, obligée...

pour ne pas avoir à vivre

qui sait pourquoi

les remords d’une trahison,

mais avec le soupçon

de te retrouver toutefois

prisonnière de toi-même :

que la vraie intention

n’égratigne pas

ton heureuse

hypocrisie.

Mais ce fut

en conclusion

un rêve de douceur.

Je n’avais jamais éprouvé

de toute ma vie

autant de tendresse

dans la passion.

SANS DÉFENSE

Tu m’appelles

et tu me veux

avec l’urgence

de ta peau :

tu veux que je te prenne

et, en plus,

que je te viole.

Tu me le demandes

sans parler,

tu aimes que je le fasse

comme tu l’imagines

et il me plaît de le faire,

de satisfaire

tes prétentions,

parce que je t’aime

et nous sommes sans défense

contents d’utiliser

et les mains et la langue

et les dents

l’une sur l’autre :

corps rendus,

corps absorbants.

RÉVEIL

Je surveille le monde

en train de revenir

au jour

derrière le pli

de ton visage

endormi,

au-delà du souffle

qui traverse

ton nez et

dans le sourire

que le rêve

t’a laissé.

C’est la joie de l’amant

dans l’aimé

pour ce qui est, bien sûr,

naissant...

mais dans son état

justement renaissant

et jamais

tout à fait né.

LA CLEF

Il n’y a pas d’onguent

il n’y a pas de crème

qui en vienne à lubrifier

et à irriguer...

afin que passe

ce qui

ne veut entrer.

C’est l’amour

la seule clef

qui tout en ouvrant les cœurs

dilate les pores

et les fissures

jusqu’à ce qu’ils deviennent brèches

passages et gorges,

alors qu’il noue

les figures.

Il n’y a pas de limite,

il n’y a pas de barrière

et en courant

il décloue chaque frontière.

LES MAINS

Les mains savent

disent et font tout :

tu aimes que je te touche

et moi je précipite en toi

en te touchant,

je m’agrippe à tes côtés

pour crouler en toi

plus au fond

et j’ai la sensation de te tenir

d’autant plus que je suis tenu,

d’être sauvé d’autant plus

que je suis perdu.

Et je n’entre pas en toi

que par la bouche,

les yeux et le nez,

je passe aussi dans ta sueur

et je suis dans ton sang.

Nous sommes écartelés

l’une dans l’autre

et, dans l’écartèlement,

plus heureux.

LOIN

C’est toi qui demandes

de ne jamais te faire

ouvrir la bouche

que pour embrasser

celui qui te touche,

tu prétends qu’il soit

toujours par-dessus toi

sans te laisser de répit,

qu’il te recouvre

jusqu’en dedans

les yeux ouverts,

sans te laisser du tout

à ta merci,

tu veux être écrasée

et possédée,

tu te sens aimée

seulement si retenue

plus comprimée

et, en te retenant, te voilà...

finalement arrachée

à toi-même.


 

 


  Paolo Ruffilli Mail: ruffillipoetry@gmail.com